La foi et la raison

27/05/2017 00:34

La foi et la raison

Le philosophe raisonne, dit-on, et le religieux croit. La foi et la raison semblent alors faites pour s’opposer. Dans « Miettes philosophiques », ouvrage publié en 1846, Kierkegaard considère la foi comme un « saut dans l’irrationnel ». Comme si le religieux est d’accord pour s’écarter de la raison dans l’acte de foi. Comme si le religieux n’a pas besoin, ne demande pas de preuve pour croire. La foi semble ne s’asseoir sur aucun fondement rationnel.

Dans la Bible même il est écrit : « Or, sans la foi, il est impossible de lui être agréable ; car il faut que celui qui s’approche de Dieu croie que Dieu existe et qu’il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent», Hébreux 11.6. La révélation qu’on doit s’approcher de Dieu par la foi porte certains philosophes à penser que la raison n’a rien à voir dans le divin.

Mais quelle est l’origine de la foi ? Dans quelle circonstance naît la foi ? Nous lisons en Romains 14. 17 : « La foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole de Christ. » Avant de tirer cette conclusion, Paul disait au verset 13 : « Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. » Mais, demandait-il, au verset 14, comment invoqueront-ils celui en qui ils n’ont pas cru ? Et comment croiront-ils en celui dont ils n’ont pas entendu parler ?  Et comment en entendront-ils parler s’il n’y a personne qui prêche ? » Ainsi la foi ne vient pas ex nihilo ; elle est enracinée dans la parole de Dieu.  Or, la parole, c’est le logos, la logique, le verbe, le discours. Celui qui raisonne discourt ; la logique est discursive. La foi est donc le fruit du discours, de la parole, du raisonnement. Celui qui raisonne parle, ne serait-ce qu’à lui-même. C’est un discours, c’est le raisonnement qui donne naissance à la foi. Ainsi la foi est loin d’être irrationnelle. Celui qui croit en Dieu s’est dit : « S’il en est ainsi, c’est-à-dire à bien réfléchir, c’est-à-dire tout compte fait, je m’en remetsà Dieu. »

Et comment le croyant peut-il avoir entendu la parole de Dieu ? De la bouche des prédicateurs, certes. Mais l’univers dit la puissance de Dieu. L’œuvre de Dieu parle : « Les cieux racontent la gloire de Dieu, et l’étendue manifeste l’œuvre de ses mains», Psaumes 19.1.  Oui, celui qui a la foi peut en rendre compte. La Bible invite le chrétien à défendre sa foi, 1 Pierre 3. 15.

En somme, du point de vue de la Bible, seul un insensé, seul celui qui ne raisonne pas ou qui raisonne mal, peut dire qu’il n’y a point de Dieu, Psaumes 14.1. En effet, la raison même doit porter  celui qui réfléchit à reconnaitre un auteur à l’univers car comment peut-on avoir un ouvrage sans ouvrier ? Et quel magnifique ouvrage  que le monde ! Et dans les objets existants et dans leur fonctionnement !

Saint Augustin avait bien compris la symbiose qui existe entre la foi et la raison, lui qui a dit : « Ratio confortata fide », la raison est confirmée par la foi. Ainsi, celui qui croit finit par reconnaȋtre que sa position a été guidée par la raison et trouve que la foi est un acte  réfléchi, raisonnable, rationnel. Il faut comprendre pour croire (« la foi vient de ce qu’on entend »). Mais celui qui croit se met en état de comprendre davantage et il avancera chaque jour davantage dans la connaissance du divin et sa foi en sortira affermie. « Crede ut intelligas » écrivait Saint-Augustin.« La crainte de Dieu, dit le psalmiste, est le commencement de la sagesse ; tous ceux qui l’observent ont une raison saine. Sa gloire subsiste à jamais », Psaumes 111. 10. « Et les insensés meurent, faute de raison », Pr. 10. 21.

En fait, la raison est le socle sur lequel s’élève l’édifice de la foi.