J'ai d'abord refusé de devenir pasteur

14/04/2014 13:49

A Port-au-Prince, la première fois que j’ai eu l’idée de devenir pasteur, ce fut en avril 1974. Le grand pasteur Luc Nérée était orateur principal à la Grande Convention Annuelle de la Mission Evangélique Baptiste du Sud d’Haïti,  que diffusait Radio Lumière, radio de la Mission. Le thème alors, c’était : « La moisson est grande mais il y a peu d’ouvriers. » Emu, je me suis dit : « Moi, je serai ouvrier. » J’étais en 3e secondaire. Je ne connaissais pas encore les Cayes où j’habite depuis 1980.

Plus tard, en Philo, je faisais partie de l’Inter-Philo, mouvement qui rassemblait les élèves de Philo de la Capitale autour d’une revue. Et, lorsque les « philosophes » enregistraient leur voix pour dire quelle profession ils allaient embrasser, ma phrase à moi fut : « Je serai Pasteur. »

Pourtant, après les résultats positifs du Bac, en 1977, je ne voulais plus chercher à entrer au Séminaire Théologique Baptiste du Limbé où avaient étudié les pasteurs Ruben Marc et Amos Gabaud. Je ne voulais plus devenir pasteur. Parce que, ayant déménagé, j'ai eu à cotoyer des gens qui montaient des tonnelles pour chercher des missionnaires américains qui puissent leur fournir de l'argent sur le compte de l'Eglise. Je trouvais ces gens méprisables et je ne voulais pas, en devenant pasteur, être traité de profiteur des fidèles comme ces gens-là. Et puis, ma mère étant pauvre, je ne voulais pas apprendre un métier où je ne puisse pas gagner ma vie en tant que professionnel. Je ne voulais plus être enfermé dans un séminaire théologique pendant quatre ans puis dépendre de l'église après. J'ai voulu apprendre un métier pour travailler et toucher et régler mes affaires, et prendre soin de ma mère au besoin, sans dépendre uniquement de l'église. J'ai voulu devenir professeur à l'enseignement secondaire.

Mais j'avais la conscience troublée. Je versais des larmes. J'ai eu besoin d'un conseiller. Et comme j'avais décroché du bureau de Radio Lumière de la Rue Pavée #70 tous les certificats du cours biblique par correspondance que gérait le pasteur Martinez Jovin, je suis allé lui demander conseil. Il m'a dit de faire ce qui laisserait ma conscience tranquille. C'était pour moi comme s'il ne m'avait pas répondu. Alors, en pleurant, j'ai déchiré le papier où j'avais écrit que je serais pasteur et je suis allé m'inscrire à l'Ecole Normale Supérieure pour devenir professeur de francais et de littérature. Je me disais qu'il me fallait une profession pour gagner ma vie et que, si, un jour je devenais pasteur, on verrait que je ne l’étais pas pour faire de l'argent.