Autobiographie (suite)

25/02/2014 05:01

Le père de ma mère, homme de taille svelte, était houngan. Mais je ne l’avais jamais vu à l’œuvre , il habitait très loin de chez nous et ne faisait que venir nous visiter des fois.

Les cérémonies vaudou étaient de véritables fêtes. On sacrifiait des bêtes à profusion, on préparait du poisson, de l’igname… Quand les lois viennent, ils mangent et les participants défilent devant eux pour  recevoir de la gamelle et des  mains de chaque loa un lot de viande cuite. C’était de l’abondance. On en emportait à la maison.

Ainsi j’ai grandi dans une atmosphère mystique. Il était clair pour moi qu’il existe un monde invisible. J’entendais parfois appeler les morts dans des govi à l’intérieur du péristyle de la grande cour. Ma mère m’emmenati chaque année,  à la fête des morts, allumer des bougies, prier sur la tombe de notre grand-mère pour lui faire des demandes.

Un 31 décembre au soir, ma mère a paniquè tout le monde à la maison. Elle a cru entendre son dernier homme avec qui elle vivait l'appeler : Lucie, Lucie... dans la rue. Située avant le pont Cadet (pour les lecteurs qui connaissent carrefour Dufort), notre maison donnait sur la route Nationale No 2 qui passait alors par Ti Cousin. La voix venait du Carrefour et descendait vers Ti Cousin. Mais pourquoi n'est-il pas rentré, lui qui devait revenir de son travail? Ma mère a envoyé des gens à sa recherche. il faisait nuit noire, peut-être qu'il avait un problème, avait raté la barrière... On a beau chercher, on n'a pas trouvé mon beau-père qui est rentré quelques heures plus tard. Etait-il passé devant la barrière quelques heures plus tot en appelant Lucie? Pas du tout, dit-il. La camionnette ou il travaille venait à peine de rentrer de Port-au-Prince. Et d'ou venait cette voix. C'était une énigme. Eh bien, un loa, dans la cérémonie vaudou qui suivit, devait apprendre à ma mère qu'il était passé la saluer le 31 décembre écoulé.. Il a demandé à ma mère, en ma présence, si elle n'avait pas entendu sa voix.

Je connaissais deux églises catholiques : l’église Saint-André, située à une bonne distance de Carrefour Dufort et l’église Sainte-Rose de Lima de la ville de Léogâne. Est-ce que je les connaissais vraiment ? Non. J'ai été seulement une fois à l'église Sainte-Rose de Lima avec de grandes personnes, un 24 décembre, à la messe de minuit et, une fois, un vendredi saint, à l'église Saint-André. De l'église catholique je connaissais des prières et des actes de foi par coeur : le "Notre Père", le "Je vous salue, Marie", le "Je crois en Dieu Tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre, en Jésus-Christ, son Fils unique qui a été conçu du Saint-Esprit...". Je les avais apprises à l'Ecole Rurale de Dessources ou j'ai reçu une formation académique solide jusqu'à Elementaire I, grâce à d'excellents professeurs comme Madame Cilotte (Enfantin II), Maitre Erilus (Prép. I), Madame Louverture (Prép. II), Maitre Mentor (Elém. I). Grâce également aux merveilleux ouvrages des Frères de l'Instruction Chrétienne à qui je présente aujourd'hui d'émouvantes félicitations. Je lisais aussi certains soirs, pour tante Sylvia, de la grande cour,  devant l'oratoire de sa chambre, des prières terminées toujours par "Ainsi soit-il". Cette tante était parfois possédée de loas dans les cérémonies vaudou et avait toujours un cabri qu'elle engraissait et qu'on tuerait au moment opportun.

Pour l'église protestante, des services en plein air, le vent charriait ves moi quelquefois des lambeaux de chants qui venaient fouetter mes oreilles.Comme :

"Sen, sen, sen, sen, gon men ki touche m. / Sen, sen, sen, sen, gon men ki touche m; / Sen, sen, sen, sen, gom men ki touche m : / Men sa se men Letènèl, gon men ki touche m.

Je ne peux oublier cette mélodie. C'était touchant. C'était tout ce que je savais de l'église protestante avant treize ans. Je n'avais jamais vu une Bible, lu aucune brochure. Aucun missionnaire n'avait visité ma maision.

C'était tout. Non, il y a quelque chose en plus dans ma vie avant treize ans, concernant l'église protestante. Je vous en ferai part dans le prochain article.

 

 

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